20. RENDEZ-VOUS

Tallulah est en retard.
Voilà déjà 15 minutes qu'elle et moi aurions du nous retrouver, mais toujours aucun signe d'elle. Je commence à me demander si elle viendra quand soudain, une voix familière crie mon prénom. Mon cœur s'accélère en la voyant courir vers moi, à bout de souffle.
- Désolée d'être en retard ! Il y avait un putain de bouchon sur la route, impossible d'avancer ! Du coup j'ai sauté hors du taxi et j'ai couru jusqu'ici parce que sinon, j'y serais encore.
Qu'est-ce qu'elle est belle avec ses joues rosies par la course.
- Pas de problème, t'inquiètes ! Le principal c'est que tu sois là.


- En tout cas, tu n'avais pas menti à propos de Windenburg, cette ville est magnifique ! Et cette boîte a l'air extra.
- Entrons pour voir ce que ça donne.
A peine j'ouvre la porte pour Tallulah que la musique me fracasse les oreilles. Après s'être accoutumé au volume, nous pénétrons à l'intérieur et constatons qu'il n'y a personne sur la piste, à part une nana qui a l'air à fond dans son délire.


Tally se penche pour me murmurer à l'oreille :
- Elle doit avoir des algues gluantes dans son pantalon vu sa façon de danser.
J'éclate de rire en imaginant le truc.
- Je suis sûre qu'on peut faire mieux.
- Genre tu danses toi ? Je demande, interloqué.
- Bien sûr, j'adore ça !
- Chiche on y va ?
- Montrons leur ce qu'on a dans le ventre, louveteau !


Elle prend ma main pour m'entraîner vers le milieu de la piste, avant de faire déguerpir la blonde peroxydée.
- Prends-en de la graine ! Elle lui lance.
Cette fille est tout simplement géniale !
Le DJ lance LA chanson du moment et c'est avec une synchronisation quasi parfaite que Tally et moi réalisons la chorégraphie du clip, sous les encouragements des gens présents.




On a tellement assuré qu'à la fin, les gens nous applaudissent.
Nous faisons une courbette digne des plus grands artistes avant de nous remettre à danser sans se donner en spectacle cette fois.
Je m'amuse beaucoup avec Tally, j'adore la taquiner et elle ne se gêne pas pour me rendre la pareille.


- Wow t'es sacrément douée et carrément sexy quand tu danses.
Elle rigole.
- Seulement quand je danse ?


- En faite, je te trouve sexy en toute circonstance, je dis le plus sérieusement du monde.
Étant nyctalope grâce à mon sang de loup, je vois clairement ses joues devenir rouges. Je m'abstiens de la taquiner à ce sujet et lui propose plutôt d'aller prendre un peu l'air dans un endroit plus calme.
Les Jardins de la propriété Von Haunt ne sont pas très loin à pieds, aussi j'en profite pour lui faire visiter la ville. Nous parlons de ce que nous aimons, du lycée, de nos amis, nous nous chamaillons aussi beaucoup. Une fois arrivée devant la propriété, je raconte à Tally l'histoire de ce lieu et de la légende qui veut que les propriétaires hantent les murs du bâtiment chaque soirs.
- Brrr ! C'est à la fois excitant et carrément flippant.
- Excitant ouais, flippant pas plus que la blondasse qui voulait nous transformer en rat de laboratoire.
- Un point pour toi. En tout cas c'est une sacrée belle baraque !
- Plus belle que la mienne ? Je demande sur le ton de la plaisanterie.


- Nan, la tienne est mieux, elle réplique sur le même ton.
Parler de la blondasse me rappelle soudainement ma première rencontre avec Tally et à ce que je lui ai dit. Mon changement d'humeur ne lui échappe pas.
- Ca ne va pas Hati ?
- J'suis désolé.
Surprise, elle hausse les sourcils.
- Désolé de quoi ?
- De m'être comporté comme un con quand on s'est rencontré. J'aurais pas du te manquer de respect.
Lentement elle sourit, une lueur malicieuse dans le regard.
- Le grand Hati Wolf qui fait preuve de repentance ? C'est un jour à graver dans l'histoire !
Ah elle voulait jouer à ça ? Pas de problème !
Je m'empare de ces mains et déclare :
- Je connais par cœur cette attitude ma petite Tally, c'est celle d'une personne qui dissimule son trouble derrière la plaisanterie. Mais avec moi, ça ne marche pas.


Elle cesse aussitôt de sourire et étrécit les yeux.
- Tu te crois plus malin que tout le monde hein ?
- Non, pas avec toi. Tu es trop intelligente pour ça.
- Dans ce cas, dit-elle en regardant nos mains jointes, voyons si je suis assez intelligente pour te semer dans le labyrinthe.
Sans crier gare, elle se libère et fonce droit vers les jardins me prenant encore une fois au dépourvu.


- Merde ! Je m'exclame en m’élançant à sa poursuite.
Cette nana va me rendre fou, au sens propre comme au figuré...
A travers les allées du labyrinthe, j'entends le rire de Tally et je ne peux m'empêcher de rire aussi. Même en me servant de mon ouïe fine et de mon odorat, je me trompe plus d'une fois de direction et elle ne se gêne pas pour me le faire remarquer.


Finalement je la trouve assise sur un banc, les joues rouges et la respiration saccadée.
- Je crois que j'ai gagné la course ! Elle me lance, un sourire aux lèvres.
- Tu as surtout triché en me prenant au dépourvu, je réplique.
- Ravie de t'avoir surpris.


Je m'assois à côté d'elle pour reprendre mon souffle puis nous discutons de tout et de rien. Là, perdu au beau milieu d'un labyrinthe, je devrais paniquer ou me sentir esseulé. Et pourtant, je me sens incroyablement bien aux côtés de Tallulah. Son rire fait bondir mon cœur à chaque fois et sa joie de vivre me contamine de la plus agréable des manières.


Je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes là mais je me rend compte que l'air s'est rafraîchit et que Tally tremble.
- Approche, je lui dis pour l'entourer de mes bras. Je pensais qu'elle allait refuser mais ce n'est pas le cas.


- Tu es surprenant Hati Wolf, elle dit doucement. Je ne sais jamais à quoi m'attendre avec toi et je dois dire que j'aime ça.
- Et c'est la reine des imprévue qui me dit ça.
- Fais attention, je pourrais décider de me mettre à courir.
- Tu ne ferais pas ça, pas alors que tu es bien au chaud dans mes bras.
Je regrette aussitôt mes paroles. Elle se fige avant de se libérer de mes bras et de courir en riant.


C'est pas vrai, pas encore !
- Attends Tallulah ! Arrête ! Je crie en courant derrière elle.
- Hors de question, louveteau !
- Pourquoi tu fais ça alors que tu sais qu'il y a un truc entre nous ? T'as la frousse c'est ça ?
Je suis loin d'être sûr de moi sur ce coup là mais en la voyant s'arrêter sans se retourner, je sais que j'ai vu juste.


Je me poste devant elle et elle relève le menton.
- Je ne veux pas être privé de ma liberté et dépendre d'un garçon, elle fini par avouer.
- Tu crois que que je voudrais te priver de ce qui me plaît le plus chez toi ? Je lui demande en lui caressant tendrement la joue.
- Quand tu en auras assez de moi, tu me laisseras tomber. C'est ce que font tous les garçons dans ton genre.
J'en ai assez entendu.
Puisqu'elle refuse de voir à quel point je tiens à elle et que tout ceci n'est pas un jeu, je pose mes lèvres sur les siennes. Elle se fige mais ne me repousse pas.


Comme lorsqu'elle m'avait embrassé la joue, mon corps s'enflamme et meurs d'envie d'approfondir ce baiser. Mais je ne tente pas le Diable et à contrecœur, je recule.
- Crois-moi Tally, je ne joue pas.
Elle écarquille les yeux en entendant ma voix devenue rauque et la gravité de mes paroles. Je vois bien dans ces yeux marrons qu'elle est tiraillée entre son cœur et sa raison.
Il y a quelques semaines de ça, j'aurais partagé ses craintes. Moi non plus je ne voulais pas m'engager sérieusement, pour moi la séduction c'était avant tout un jeu mais Tallulah avait complètement chamboulé mon monde et celui de mon loup. Et nous ne supporterions pas d'être rejetés.
Quand elle s'approche et prends mes mains, je sais lequel des deux elle a décidé d'écouter.
- Tu sais que tu vas en baver avec moi ? me dit-elle avec gravité.


J'éclate de rire, soulagé, avant de mordiller la base de son cou.
- Je suis prêt à prendre le risque.



♦♦♦


Il est tard quand je rentre à Willow Creek.
J'avais appelé un taxi pour Tally en menaçant le chauffeur de représailles si elle ne rentrait pas à l'hôtel en un seul morceau. Elle avait rigolé puis m'avait embrassé à m'en rendre fou. Si même ses lèvres se mettent à me faire perdre la tête...
En pénétrant dans la maison, le calme règne. Papa travaille encore et le reste de ma Meute dort. Affamé après avoir littéralement couru après ma louve, je me sers une assiette de macaronis et me pose devant la télé en souriant bêtement en repensant à cette journée.


La poignée de la porte d'entrée me sort de ma rêverie. C'est Sköll.
Surpris, je le salue.
- Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ci ?
- J'arrivais pas à dormir alors je suis allé courir.
- Si maman sait ça...
- Mais tu lui diras rien, dit-il en souriant. Alors, raconte.
Il me rejoint sur le canapé et je me met à lui parler de ma journée avec Tally.


- Félicitation frangin ! Je suis content pour toi. Tallulah est faite pour toi.
- Ouais elle est géniale. Je me sens bien avec elle.
- Cool ! Bon allons dormir avant qu'on se fasse griller par papa ou pire, par maman.
Nous grimaçons avant d'aller dans nos chambres à pas de loup.

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