6. UNE NOUVELLE PEUT EN CACHER UNE AUTRE

J'suis enceinte.

Nom d'un loup-garou, j'attends un enfant d'Eric ! Un mini barbu ou  une mini râleuse ! Au fond de moi j'suis aux anges et j'ai envie  d'exploser de joie.

Mais c'est arrivé tellement vite... On n'a pas beaucoup d'argent et la maison est petite. J'aurais préféré que ce bébé naisse dans de meilleures conditions.

J'annoncerais la grande nouvelle à Eric ce soir quand il rentrera du travail. Pour l'heure, j'ai du travail qui m'attend !

J'mets donc mes inquiétudes, mes doutes et mon excitation de côté pour me consacrer à mes patients et à mes échantillons d'analyse.

Le doc m'avait enseigné l'utilisation de l'appareil à rayons X quelques jours plus tôt mais j'avais eu beaucoup de mal à me concentrer sur ses explications, du coup il m'arrive de faire quelques boulettes, heureusement sans conséquences. C'est pas l'moment d'être viré pour faute grave ou d'avoir une plainte pour mise en danger de la vie d'autrui sur le dos !

La journée d'travail se termine sans autre pépin.

En rentrant à la maison j'ai une faim de louve. C'est ça quand on doit manger pour 2 !

Eric m'avait mis un plat de macaronis au fromage de côté, accompagné d'un petit mot m'expliquant qu'il aurait l'esprit plus tranquille si j'mangeais son plat, plutôt que d'essayer une nouvelle fois de cuisiner...  J'lève les yeux au ciel mais souris malgré tout.  Heureusement qu'il ne sait pas encore que j'ai un petit louveteau qui grandit en moi.

En tout cas son plat a l'air très appétissant !

Sans plus attendre j'pique ma fourchette dans les pâtes mais après quelques bouchées, j'grimace. Les macaronis ont un goût qui me révulse et mon ventre est douloureux, très douloureux.

Incapable d'en avaler davantage j'jette le plat à la poubelle, culpabilisant un peu à l'idée que c'est Eric qui l'avait préparé, et j'avance difficilement vers la salle de bain pour m'laver les mains et le visage. Mais à la seconde où j'ouvre la porte, j'ai un haut de cœur et j'finis avec la tête dans la cuvette des WC à rendre mon repas et... Du plasma ?!

Merde ! Qu'est-ce qui m'arrive ?!  Est-ce que c'est normal pour une Louve-Garou ? Je n'avais jamais discuté de ce sujet avec ma mère ou ma sœur parce qu'à ce moment-là, fonder une famille était loin d'être en tête de liste de mes priorités.

Peut-être qu'en allant à la bibliothèque j'trouverais quelques chose sur internet. J'me souviens que Myra avait un ami geek qui tenait un blog archi-sécurisé sur les Surnaturels.

De nouveau capable de tenir debout sans que la pièce tourne, j'appelle un taxi et nettoie les toilettes en attendant mon chauffeur.

 

♦♦♦

Arrivée à la bibliothèque de Willow Creek, je m'installe sans plus attendre devant l'un des ordinateurs au fond de la pièce, à l'abri des regars indiscrets et j'entame mes recherches.

Manquerait plus qu'un p'tit curieux vienne me faire chier !

Durant plusieurs minutes, j'tente de me souvenir des différents identifiants et mots de passe qu'il faut entrer pour accéder au blog de l'ami de ma sœur, celle-ci m'ayant généreusement transmis cette information au cas où un jour j'en aurais eu besoin. Lorsque la page d'accueil s'affiche sous mes yeux, mon pouls s'accélère.

Malheureusement il n'y a pas grand chose à se mettre sous le croc. Moi qui pensait que le blog existait depuis longtemps j'me rend vite compte que ce n'est pas le cas. Et comme son propriétaire a lui aussi été assassiné, il ne risque pas d'être mis à jour avant trèèès longtemps...

Dépitée, j'm'apprête à laisser tomber quand un article attire mon attention. Celui-ci évoque l'apparition des premiers Lycanthropes sur Terre et les raisons pour lesquelles ils vénéraient l'astre Lunaire. Aux yeux de mes ancêtres la Pleine Lune était en réalité l'incarnation de Séléné, Déesse de la Pleine Lune et Mère de tous les Lycanthropes. Pour lui rendre hommage, ils se transformaient les soirs où la Lune était pleine et hurlaient sous leur forme lupine. Un peu comme les humains chrétiens qui vont à l'Eglise le dimanche pour prier et chanter quoi !

Je n'sais pas si tout ça est vrai mais c'est vraiment fascinant.

Je continue ma lecture jusqu'à ce que l'auteur de l'article évoque l'accouplement des Loups-Garous... Et la malédiction qui peut les toucher.

Mon sang se glace à mesure que j'avance dans ma lecture.

Non ... Non ce n'est pas possible ! Ca ne peut pas être vrai...!

Oh mon Dieu, Eric... Qu'est-ce que je vais lui dire ?

Au bord de la crise d'angoisse, j'efface toute trace de mon passage sur l'ordinateur et je quitte précipitamment la bibliothèque.

Le corps en pilotage automatique à cause des pensées qui m'assaillent, j'cours à en perdre haleine durant de longues minutes. Seule une douleur fulgurante dans le bas ventre me fais sortir de mon état second et me contraint à m'arrêter. J'regarde autour de moi et constate que mes pas m'ont mené au bord d'un lac désert.

Incapable de m'retenir, j'crie de rage.

Pourquoi le destin s'acharne t-il sur moi putain de merde ?!

D'instinct, j'pose une main sur mon ventre, sur mon bébé... Notre bébé... J'éclate en sanglots.

Plusieurs minutes s'écoulent où j'suis incapable de maîtriser le torrent de larmes qui glissent lentement sur mes joues. J'renifle bruyamment et me maudit intérieurement. J'déteste pleurer ! Verser des larmes c'est exprimer ouvertement ce que l'on ressens et j'ai horreur de m'exposer ainsi.

Soudain, j'sens une vibration à l'intérieur de mon jeans. J'sors mon portable de ma poche. Eric m'avait envoyé un SMS.

Tu me manques ma chérie. J'ai hâte de rentrer. Ton repas était bon ? m'écrivait-il avec un smiley qui faisait un clin d'oeil.

Comme s'il viens de me surprendre en pleine crise de larmes, j'essuie vivement mes joues et lui réponds, les doigts tremblants :

Ne t'inquiètes pas, je n'ai pas fait la cuisine comme tu me l'avais si gentiment demandé. J'aurais quelque chose à te dire ce soir. Tu me  manques aussi. xoxo

J'range mon téléphone et inspire profondément. Je n'suis pas encore prête à rentrer à la maison, aussi je m'allonge sur la terre dure mon regard s'arrêtant sur l'astre que mes soi-disant ancêtres vénéraient autrefois.

Alors, pour la première fois de ma courte existence, je prie pour que la Déesse Séléné nous offre la force et le courage d'affronter l'épreuve qui nous attendais.

♦♦♦

Le bruit d'une porte qui s'ouvre et se ferme me tire du sommeil.

J'me redresse lentement et constate que j'suis dans mon lit, vêtue simplement d'un débardeur et d'une culotte. Je n'ai aucun souvenir de quand et comment j'suis rentrée à la maison mais j'y suis bel et bien.

- Pardon je t'ai réveillé ma chérie me dit Eric en s'asseyant à côté de moi se penchant pour déposer une tendre baiser sur mes lèvres.

- C'est pas grave, j'devais te parler de toute façon.
- J'dois t'avouer que ton SMS m'a légèrement inquiété. Que se passe t-il ?

- Je n'veux pas que tu t'inquiètes, d'accord ? Ni que tu paniques.

Une seule personne qui panique c'est déjà bien assez !

- Qu'est ce qu'il y a Lica ? me demanda t-il.

- J'suis enceinte Eric. On va avoir un bébé.

Il me regarde sans vraiment me voir puis son visage s'illumine progressivement.
- Tu vas avoir un... Je vais être... Oh mon Dieu mais c'est... je... Je sais même pas quoi dire !
Il m'embrasse, fou de joie, et commence à faire les 100 pas dans la pièce.
J'me lève à mon tour.
- Attend ce n'est pas tout ce que...
- Je vais être papa !!! Je sais que c'est rapide et que ce n'est pas le  grand confort pour accueillir un bébé mais on se débrouillera ma chérie !

Il me serre contre son torse, manquant de peu de m'étouffer. Enfin façon de parler puisque je suis plus solide qu'une humaine.

Subitement, il me lâche et avant de réaliser ce qui se passe, il a déjà un genou à terre une petite boîte entre les mains.

- Mon amour, je voulais attendre un peu avant de faire ça mais avec cette heureuse nouvelle je ne peux plus attendre. Je t'aime depuis le premier jour où nos regards se sont croisés et mon amour pour toi ne cesse de grandir jour après jour. Toi, et maintenant le bébé, êtes les deux êtres qui comptent le plus pour moi. Alors Lica Wolf, me ferais-tu l'immense honneur d'accepter de devenir ma femme ?

Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine.  L'homme de ma vie est à genoux devant moi, et je n'sais pas quoi répondre. Je n'peux pas accepter... Pas après les révélations de cet après-midi. Notre avenir est tellement incertain...

Et pourtant, quand j'plonge dans les yeux de mon Eric, j'laisse mon cœur faire taire la raison et réponds :

- Oui ! Oui je veux t'épouser. Je t'aime tellement...

Pour la deuxième fois de la journée j'verse des larmes de joie, de tristesse, je n'sais même plus !

J'prend la magnifique bague qu'Eric me tend et la glisse à mon doigt.

Une fois debout je l'embrasse tendrement mais à nouveau je m'sens mal. Eric me rattrape avant que je tombe.
- Ma chérie !! Ca va pas ? s'écrie Eric, paniqué.
- Si... J'ai juste besoin... De sommeil... Toutes ces émotions...

Je n'peux pas lui dire les vrais raisons de ma défaillance, pas maintenant.

Eric me pose délicatement sur le lit avant d'me couvrir et de déposer un baiser sur ma joue.

- Repose-toi mon amour, je m'occupe de tout.

Je l'entends prendre une douche et jurer tout bas quand la tuyauterie de la salle de bain lâche. Plutôt que de m'agacer, l'entendre bricoler m'apaise. Le bruit de la clé à molette contre le tuyau a quelque chose d'hypnotisant...

J'me rend compte que j'me suis assoupie quand j'sens un bras s'enrouler autour de ma taille et qu'une main se pose sur mon ventre.

"Demain... Demain j'lui dirais tout" je m'fais la promesse avant de sombrer.