7. REVELATIONS

C'est une douleur insoutenable qui me réveille de bon matin.


En m'entendant crier, Eric bondit du lit et se précipite vers moi.
- Ma chérie qu'est-ce que t'as ? C'est le bébé ?
- Oui... Non... C'est douloureux j'réponds, les dents serrées.


Je n'sais pas si c'est la panique, me voir souffrir ou autre chose mais pour la première fois depuis que nous vivons ensemble, Eric s'emporte.
- Maintenant ça suffit ! Qu'est ce qui t'arrive Lica ? C'est pas normal tout ça !! Tu ne veux même pas aller à l'hôpital. Qu'est ce que tu essaies de leur cacher ? Et surtout : qu'est-ce que tu me caches à moi ?!


La louve en moi se hérisse face à l'agressivité dont il fait preuve mais l'odeur de la peur qui émane de lui me retient de lui dire d'aller se faire voir. Et puis il a bel et bien raison, j'lui cache des choses. Mais plus pour longtemps.
- J'vais tout te dire Eric mais laisse moi essayer de manger et me doucher.
Il inspire profondément pour se calmer.
- D'accord. J'vais prendre ma douche pendant que tu manges. Ensuite je t'attendrais dehors.
Sans plus de cérémonie il fonce vers la salle de bain. Le bruit de l'eau qui coule m'accompagne durant le petit-déjeuner.


Sauf que je n'peux rien avaler. Non seulement parce que l'odeur de la nourriture me dégoûte mais aussi parce que je m'en veux d'avoir blessé Eric. Ce dernier sort d'ailleurs de la salle de bain, le visage fermé, avant de franchir la porte d'entrée sans dire un mot.
En soupirant j'laisse tomber l'idée de me nourrir pour prendre une douche. J'reste figée devant mon reflet lorsque j'sors de la cabine. Mon teint habituellement halé est aujourd'hui verdâtre et j'ai des valises aussi grandes que le Montana en dessous des yeux.


J'quitte la maison et flaire l'odeur d'Eric. Elle me mène jusqu'au bord de la rivière qui coule à côté de chez nous.


J'm'assois sur le banc à côté de lui en gardant toutefois une certaine distance entre nous. Aussitôt il prend la parole.
- Je t'écoute.
Je prends une grande inspiration et me lance :
- Je t'ai parlé de l'assassinat de ma famille tu te souviens ? Tu m'as demandé qui a fait ça et je n'ai pas vraiment répondu à ta question ce jour-là car je n'étais pas sûre de pouvoir t'faire confiance.
- Et aujourd'hui ?
- Je l'suis au point de te dire que ce qui s'est passé n'est pas un simple règlement de compte. Ce sont des chasseurs d'un genre particulier qui les ont tués. Dans mon monde, on les appelle les "Semeurs de Mort".


- Que veux-tu dire par "dans ton monde " ?
- J'veux dire par là que je viens d'une famille de créatures surnaturelles.
- Et... De quel genre exactement ? demande Eric en se grattant la gorge.
- Des Lycanthropes, ou des Loups-garous comme on les appelle aujourd'hui.
- Des Loups-Garous... Tu es vraiment sérieuse ?!
Ne prêtant aucune attention à son incrédulité, j'poursuis mon récit.
- Oui Eric, je suis une Louve-Garou même si je n'me transforme pas. Il y a de ça plusieurs siècles, mes ancêtres ont choisi d'empêcher le processus de transformation car certaines Meutes s'attaquaient aux humains, leurs loups étant trop sauvages pour qu'on puisse les arrêter, à part en les tuant. Ils ne pouvaient pas prendre le risque que notre espèce s'éteigne, déjà que nous sommes peu sur Terre... Bref, bien des années plus tard, la magie s'est éteinte et les descendants ne se transforme plus. Moi et les miens sommes porteurs du gêne, nous avons des sens plus développés que vous les humains, mais c'est tout.


Eric ne bronche pas, certainement trop choqué pour parler... Ou alors il me prend vraiment pour une dingue. Quoiqu'il en soit, j'tiens à aller jusqu'au bout.
- Ma Meute... N'est pas comme les autres. L'Alpha a toujours été une femme, contrairement aux autres Meutes. Quand elle meurt, c'est sa première fille qui devient Cheffe de Meute. D'ailleurs le dessin sur mes reins n'est pas un tatouage, c'est la marque des Alphas de ma Meute.
- C'est ce que tu es ? Une... Alpha ? me demande Eric.
- Je t'ai parlé de ma soeur aînée Myra ? C'est elle qui devait prendre la place de notre Mère. Quand elles sont mortes, la marque est apparut sur mes reins faisant de moi l'Alpha de la Meute Des Héritières. Une Meute où il n'y a que moi je conclus avec un sourire triste.
Un long silence s'installe durant lequel Eric digère le flot d'informations que j'lui ai donné.
- Je te crois Lica. C'est complètement fou, mais je sais que tu dis vrai. Mais pourquoi ta grossesse t'affaiblis à ce point ? Ca se passe toujours comme ça avec les... Louves-Garous ?


Mon coeur se serre et je baisse la tête.
- Oui c'est à cause de ça... Mais ce n'est pas la seule raison.
- C'est quoi l'autre raison ?
- Moi aussi je trouvais ça anormal toutes ces douleurs, ces vomissements et tout ça, alors j'suis allée à la bibliothèque et j'ai fais des recherches.
- Et tu as trouvé quelque chose ?


D'une toute petite voix, je confesse :
- Quelques siècles après l'apparition des premiers Lycanthropes sur Terre, certains Alphas voyaient d'un très mauvais œil les relations Humain-Lycanthrope. Ils pensaient que les enfants nés de ces amours entre les deux espèces n'étaient pas des Sangs Purs et qu'ils causeraient la perte des Lycanthropes à long terme. Afin que ça n'arrive jamais à leurs héritiers, ils ont fait appel à la magie des Sorcières afin qu'elles leur jettent une malédiction. Si l'un d'eux venait un jour à s'accoupler avec une humaine et qu'un bébé avait été conçu lors de cette union, l'enfant et la mère perdrait la vie. Quand aux loups qu'ils dirigeaient, si l'un d'eux osait fricoter avec un humain ou une humaine, c'est la mort qui attendait ces derniers. Même si l'humaine était enceinte.
Une larme roule sur ma joue à la fin de mon récit. Je suis tellement dévastée que je sursaute quand Eric explose :
- QUOI ?! JE VAIS DEVOIR REGARDER L'AMOUR DE MA VIE ET MON ENFANT MOURIR SOUS MES YEUX SANS RIEN POUVOIR Y FAIRE ?!
Incapable de mon contenir, j'explose à mon tour.
- TU CROIS QUE CA M'FAIS PAS MAL A MOI ?! TU CROIS QUE J'M'EN VEUX PAS ASSEZ COMME CA ?


- Tu regrettes déjà d'avoir eu une relation avec un abruti comme moi c'est ça ? Un humain ?
- Quoi ?! Mais non ! Tu déformes to...
- C'est trop pour moi me coupe t-il. J'en ai assez entendu.


Il me plante comme une vieille chaussette
- Eric... je parviens à dire entre deux sanglots.
Mais il est déjà loin et ne m'entends pas.


A mon tour je me lève pour rentrer à la maison, le cœur en miettes.




♦♦♦


~ ERIC ~

Pourquoi Lica a-t'elle attendu aussi longtemps pour m'avouer tout ça ? Pourquoi ne m'a t-elle pas fait confiance ? Et notre bébé... Mon Dieu je n'ose même pas imaginer ce que ça serait de le tenir dans mes bras et... Refoulant ma colère et ma tristesse je marche sans destination précise à travers la ville.
Est-ce trop demandé d'être heureux au moins une fois dans sa vie ?!
Je m'arrête subitement quand j'aperçois la salle de sport. Puisque j'ai envie de frapper sur tout ce qui bouge, autant le faire sur quelque chose fait pour ça. J'entre donc sans hésitation et me dirige directement vers la salle de boxe.


Foutue vie !


Foutue malédiction !


Ras-le-bol !


Putain de merde !


Les larmes qui coulent sur mes joues se mêlent à la sueur qui avait dégouliné de mon front. Je retire les gants de boxe et avant de sortir de la salle, je prends une douche. L'air frais me fait du bien mais n'enlève rien à ma peine.


Comment pouvait-on m'arracher les deux êtres que j'aime plus que tout au monde ? La vie est tellement injuste... Mais moi aussi je l'ai été avec ma petite sauvageonne. Je n'aurais pas du lui crier dessus, après tout elle n'a fait que protéger son peuple. Un secret comme celui-ci ne se divulgue pas si facilement. Et tout est allé tellement vite entre nous...
Je contemple la Lune qui se lève et repense à ce que ma dit Lica à propos de ses ancêtres et de la malédiction. Bon Dieu si nous avions su plus tôt ! Je m'en veux tellement de faire subir ça au petit bout de chou et à Lica... Et nulle doute qu'elle doit être dans le même état d'esprit.


Non ! Ce n'est pas de notre faute. C'est celle de ces maudits Alphas et de leurs croyances stupides ! Comment pouvait-on infliger un tel sort à son peuple ?! Il doit bien exister un moyen de rompre ce fichu sort !
J'aime Lica, pour l'éternité. Il faut que je les sauve !
Mais d'abord, nous avions une chose à faire...



♦♦♦


~ LICA ~


J'ai tout perdu...
Au bord du désespoir depuis le départ d'Eric, j'noie ma peine et mon chagrin en enchaînant les verres de jus d'orange, seul chose que je n' recrache pas et qui n'a pas un sale goût.


Bien sûr j'espère toujours qu'il revienne mais il se fait tard et toujours aucun signe de lui. C'est d'ma faute, j'aurais jamais dû lui cacher la vérité. Si par bonheur, il rentre, je n'ferais pas deux fois la même erreur. Je n'lui cacherais plus rien, pour le peu de temps qu'il me reste à vivre...
Alors que j'suis dans la salle de bain, des pas familiers se font entendre à l'extérieur.
J'ouvre grand la porte et... Il est là.


Le cœur battant, j'le dévisage pour essayer de cerner ses pensées.
En vain.
- Tu es revenue.
Il s'approche de moi sans dire un mot avant d'me prendre dans ses bras.
- Hélas tu vas encore devoir me supporter il dit finalement après m'avoir serré contre lui.
J'inspire un grand coup son parfum boisé. Nom d'une Pleine Lune qu'est-ce qu'elle m'aurait manqué son odeur...
- Je suis désolée Eric...
- Chut, chut ! Ne dis rien.


Et c'est ce que j'fais, seules les sanglots que j'retenais jusque-là sortent de ma bouche. Eric me caresse le dos pour me montrer qu'il est bel et bien là, me chuchotant à l'oreille des mots réconfortants.
Une fois la crise passée j'm'écarte de lui. Il pose délicatement ses mains sur mon ventre arrondi.
- Notre bébé va bien ?
- Oui... J'ai réussi à avaler des verres de jus d'orange sans les recracher dans les toilettes.


Et là sans crier gare, Eric me dit :
- Ma chérie, marrions-nous tout de suite.
Si j'm'attendais à ça ! Bouche bée j'me contente de le regarder bêtement, essayant d'assimiler ce qu'il vient de dire.


Finalement, mon cerveau redémarre et sans aucune hésitation j' réponds :
- Laisse-moi enfiler une robe et allons sur la plage en face de chez nous.
- Très bonne idée, je vais me changer aussi et prendre les alliances.
Après tout si j'devais mourir prochainement, autant le faire après avoir vécu à fond l'instant présent. C'est donc vêtue de ma plus belle robe et d'une détermination à toute épreuve que j'retrouve Eric sur la plage.
- Comme tu es belle ma louve me dit-il avec toute la tendresse du monde dans les yeux.


Ca me fait bizarre d'entendre "ma louve" sortir de sa bouche. J' frissonne de plaisir.
- Toi aussi mon chéri j'lui réponds en souriant.
- Tu es prête ?
- Plus que jamais.
On débute donc notre cérémonie avec des vœux très personnels.
- Lica, ma Lica... Peu importe les difficultés que nous traverserons, tout ce que je veux retenir c'est la joie et le bonheur que tu me procure chaque jour. Tu es une femme exceptionnelle et aucun mot ne sera assez fort pour te dire à quel point je t'aime et que je suis heureux de partager ma vie avec toi.


Mon Eric... Sa déclaration d'amour me met les larmes aux yeux.
- Mon amour... Que dire à part que tu as complètement chamboulé mon existence de louve solitaire. Je n'pensais pas que quelqu'un comme toi puisse exister sur cette Terre. Tu n'imagines pas à quel point je peux t'aimer et ce, pour l'éternité. J'te fais la promesse d'être toujours honnête avec toi et de ne plus rien te cacher. Toi et notre enfant sont les plus belles choses qui me soient arrivées.


J'lève les yeux au ciel pour admirer la Lune qui brille au-dessus de nos têtes. Puis sans réfléchir, je m'adresse à elle.
- Oh toi Mère de tous les Lycans, moi Lica Wolf, je m'adresse à toi afin que tu bénisses l'union sincère d'une Lycanthrope et d'un Humain. Puisses-tu nous protéger, nous et notre bébé, l'enfant de ton enfant, aussi longtemps que perdurera notre amour. Et même si tu ne peux accéder à ma requête, cela ne changera rien aux sentiments que j'éprouve pour cet homme.
Puis d'une voix plus forte :
- J'affirme haut et fort qu'Eric Faure ici présent est mon Âme-Sœur.
Le concept d'Âme-Sœur est quelque chose de sacré chez les Loups-Garous. C'est plus qu'une simple relation amoureuse entre deux êtres qui s'aiment, ça va au-delà du monde physique.
J'baisse les yeux pour rencontrer ceux d'Eric, brillants d'émotions.
Une légère brise nous enveloppe, comme si nous avions été entendu.
Nous échangeons ensuite les alliances avant de sceller notre union par un baiser.


Je n'sais pas combien de temps il nous reste à vivre, mais j'compte bien profiter au maximum de ces instants précieux avec l'homme que j'aime.


Commentaires